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Posts Tagged ‘anthropologie’

no-godJ’écris ce billet pour faire suite à mon autre article «Les religions sont-elles vertes?». Ce papier se veut le complément du premier. Je le rédige, avec la même rigueur et neutralité objectives, par respect pour mes nombreux amis athées (du grec atheos, c’est-à-dire sans dieu) que j’estime beaucoup, et aussi pour reconnaître leur place dans la communauté. J’apprécie cet esprit de dialogue, de respect et de compréhension mutuelle. Ce sera également en lien, en partie, avec l’environnement.

 

Le phénomène généralisé, de plus en plus répandu des athées à travers le monde, dénote le sérieux et l’universalité de ce mouvement. L’exemple très récent d’affichages munis de slogans athées, sur les autobus de quelques villes dont Londres, Barcelone, Toronto et Montréal, démontre l’acuité de ce sujet.

 

Causes éventuelles de l’athéisme

 

En effet, dans toutes les religions et depuis toujours, il y a eu des membres athées, réfractaires au dogmatisme et à l’endoctrinement imposé. Ils ont rompu leur relation aux dieux. Ils l’étaient peut-être dès le début ou le sont devenus, en perdant la foi, suite à une déception profonde des pratiques institutionnelles de leur confession respective. Leur jugement critique a fini par dénoncer et rejeter le mercantilisme et les multiples abus des systèmes religieux sur la scène publique.

 

L’éducation reçue, le régime politique du pays, l’influence de la société, de la philosophie, de la psychologie, de la littérature, de la science, du matérialisme les ont probablement incités à évacuer tout ce qui n’est pas visible, mesurable et vérifiable.

 

Phénomène d’évolution sociologique

 

Trois sondages effectués en France révèlent le nombre recrudescent des athées qui passe de 26 % en 2003, à 44% en 2004, à 64 % en 2006, dont 32% affirment être agnostiques, c’est-à-dire qu’ils estiment que c’est impossible de proposer une vérité certaine ou rationnelle sur Dieu.

 

En Europe de l’Ouest, 25% se déclarent athées en 2004 contre 12% dans les pays d’Europe centrale et orientale. 49 % des Tchèques se disent athées contre 41 % aux Pays-Bas, selon un sondage effectué également en 2004. 20% de l’Espagne s’est déclaré athée en 2008. Aux États-Unis, 8% de la population s’affiche athée en 2007 et 21% agnostique. Au Canada, 23% des citoyens s’affirment athées en 2008 contre 16,5% en 2001.

 

L’athéisme touche toutes les générations et classes sociales, surtout des personnes du troisième âge et de jeunes adultes qui s’estiment libérés, selon leur témoignage, de l’emprise du carcan idéologique religieux.

 

Des personnes célèbres athées

 

Un large éventail de philosophes et d’écrivains bien célèbres, qui sont des génies dans leur discipline, se sont déclarés athées depuis l’antiquité, notamment, Socrate, Épicure, Lucrèce, Démocrite, Pierre Bayle, François Rabelais, Michel de Montaigne, Denis Diderot, Voltaire, Émile Zola, Guy de Maupassant, Jean Meslier (déclaration  posthume), Baruch Spinoza, Robespierre, Stendhal, Auguste Comte, Prosper Mérimée, Bertrand Russel, Arthur Schopenhauer, Friedrich Engels, Friedrich Nietzsche, Nicolas Hartmann, Karl Marx, Thomas Henry Huxley (qui a créé le terme «agnostique»), Georges Bataille (qui a créé le terme «athéologie»), Louis Aragon, Albert Camus, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Albert Jacquard, Michel Onfray, Richard Dawkins, Christopher Hitchens, pour ne citer que ceux-là. Leonard de Vinci avouait, pour sa part, être franchement sceptique.

 

Dès 1680, Pierre Bayle proclamait déjà, avec un remarquable discernement, dans ses Pensées diverses, «L’athéisme ne conduit pas nécessairement à la corruption des mœurs.»

 

Athéisme de l’Extrême-Orient

 

En Extrême-Orient, des traditions, comme le taoïsme, se déclarent athées, et ce, depuis plusieurs siècles. Ils réfèrent plutôt à une sagesse, à des lois universelles, cosmiques dont le respect assure l’équilibre et la paix. Le confucianisme, de son côté, se veut un mode éthique de perfectionnement humain et social.

 

Des maîtres bouddhistes, hautement spirituels, enseignent que la divinité est en soi, dans le Soi. La présence intérieure à la réalité fait émerger la conscience à un niveau supérieur. Le bouddhisme, qui est plus une philosophie qu’une religion, propose une voie (préceptes de détachement, de compassion et de pureté) pour atteindre l’éveil, le nirvana (cessation de la douleur, béatitude).

 

Système de valeurs universelles

 

L’athée rejette, en principe, l’idée d’un dieu personnel, vivant ou d’un être supérieur (Père aimant). Il s’estime le seul artisan de sa destinée, donne lui-même un sens à sa vie existentielle. Pour maintes raisons, il considère la religion comme l’opium du peuple, réagit négativement à la possibilité de l’existence du transcendant. L’idée même de Dieu, qu’il croit symbole forgé, projeté par les êtres humains pour combler leurs attentes humaines, lui semble futile.

 

Comme tant d’autres, l’athée est généreux de sa personne, se dévoue à des causes humanitaires, recherche les valeurs universelles d’amour, de paix, de bonté, d’entraide, de justice, de progrès, de préservation de la nature, mais sans référence religieuse.

 

Un athée qui assume son choix personnel partage les mêmes idéaux de démocratie, de liberté et de respect des droits de la personne. Il s’engage, autant et parfois plus que le croyant, dans l’édification d’un monde meilleur, équitable et sans souffrance. Sa conscience peut être aussi responsable, altruiste, philanthrope que n’importe qui. Il peut rechercher la pureté, à l’instar d’Albert Camus qui rêvait d’un saint sans Dieu.

 

Spiritualité des athées

 

L’athée a une profonde spiritualité (c’est-à-dire une vie de l’âme) objective, bien incarnée dans le moment présent et dans l’histoire. La recherche de la dignité et du bonheur de la personne, la quête d’un bien-être commun, d’une fraternité universelle seraient son option fondamentale. Il prône une société laïque, sans référence au religieux ni à la religiosité qui brandissent continuellement le spectre du péché omniprésent, de la récompense ou du châtiment éternels.

 

Un athée n’est pas un incroyant. Il a sa propre croyance, sa propre voix intérieure, sa propre lumière naturelle qui le guident. Il explique autrement ce que les religions prêchent inexorablement. Il interroge le phénomène religieux dont il accuse les dieux éventuels de ne pas se préoccuper de l’humanité souffrante.

 

Implication dans la préservation de l’environnement

 

J’avancerai quelques exemples récents de personnalités qui ont servi d’une façon admirable l’humanité et la cause environnementale :

  • James Lovelock (médecin, biologiste, cybernéticien britannique, ex-conseiller de la NASA) s’affiche lui-même « agnostique positif ». Il a ressuscité la théorie antique de la Terre-Gaïa. Il présente notre planète comme une totalité vivante, un vaste organisme vivant qui s’autorégule (hypothèse biogéochimique validée scientifiquement). Elle séduit les « earth based religions » (religions terrestres, sans aucun renvoi à l’au-delà), les adeptes du Nouvel Âge, les néo-païens qui y trouvent un principe d’action responsable envers l’organisme vivant Terre.
  • Un professeur de philosophie qui se déclare ouvertement athée, pourtant très grand humaniste, soucieux de faire, plus que le plus fervent des missionnaires, des gestes concrets pour assurer, par exemple, un environnement plus viable aux pays en développement, comme creuser des puits dans les villages les plus reculés, leur fournir de nouvelles sources d’énergie et des semences à cultiver.
  • Les 14 savants russes qui, sans aucune allégeance confessionnelle ou religieuse, ont préféré mourir de faim plutôt que de céder, assiégés par les nazis, à l’Institut Nikolaï Ivanovitch de Leningrad, à l’hiver 1942, devant des sacs de spécimens de riz, de pommes de terre et de semences uniques et précieuses, contenant des ressources génétiques rares, recueillis à travers le monde, nécessaires à l’alimentation des générations futures et au maintien de la biodiversité planétaire.
  • Les travailleurs humanitaires athées qui risquent volontairement leur vie pour secourir les populations prises en otage sur les lignes de combat.
  • Les différentes ONG qui œuvrent de par le monde, également sans aucune référence religieuse, uniquement pour le bien de l’humanité. Elles sont dévouées et efficaces en matière de résolution de la crise écologique mondiale. Ils conçoivent d’excellents programmes d’intervention et de conscientisation environnementale, se basant sur les principes de développement durable, de conservation et de partage équitable des ressources de la planète. 

 

«Rupture civilisationnelle»

 

La révolution française a déclanché cette «rupture civilisationnelle» historique forte avec le religieux, selon l’expression de Françoise Champion. Elle a libéré l’État de l’emprise du religieux. Depuis, la société sécularisée, ainsi que, plus tard, la Charte des droits de la personne de l’ONU, autorisent et protègent le choix libre et personnel de croyances des citoyens du monde entier. Une telle séparation est saine. Un tel droit est nécessaire. Ceci évite les écueils du totalitarisme et les possibles persécutions causées par l’intolérance. Et pourtant…

 

Notons qu’il y a deux mille ans, c’était les chrétiens qui étaient appelés athées par l’empire romain parce qu’ils refusaient de brûler un peu d’encens devant ses dieux. Depuis dix-sept siècles, c’est le contraire qui se produit. N’est-ce pas une preuve de relativité ?

 

Intégration mutuelle

 

Tout compte fait, au seuil de ce troisième millénaire, il est juste et souhaitable d’arrêter d’étiqueter ou de différencier. Intégrons donc tous les individus, tous les groupes, tous les régimes de pensée, sans aucune discrimination, dans une commune, paisible et joyeuse convivialité. C’est là un signe de maturité et d’adhésion authentiques aux vraies valeurs nobles et universelles préconisées par les uns et les autres.

 

Bernard Anton, Ph. D.

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